Pour une littérature internationale déglobalisée Le cas de la littérature arménienne au XXe siècle

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Stéphane Cermakian

Abstract

À l’ère de la mondialisation, la littérature est de plus en plus perçue dans une approche globale. La littérature comparée, héritant de la Weltliteratur, est devenue le lieu d’un rapprochement entre les littératures nationales, auquel a succédé l’approche transnationale consistant à examiner invariants et différences au-delà de la typologie traditionnelle ayant pour socle la nation. La course à la globalisation amène même à concevoir une ère «posttransnationale».


Or, la perception d’une littérature selon des caractéristiques nationales (du point de vue culturel ou linguistique) a-t-elle toujours une validité ? Dans quelle mesure est-il possible de concevoir une littérature internationale déglobalisée, sans pour autant tomber dans une approche strictement locale ? On cherchera à examiner, à partir de l’exemple arménien au XXe siècle, la possibilité d’une littérature à la fois universelle et nationale. En faisant partie du vaste corpus de la littérature mondiale, la littérature arménienne perd-elle pour autant sa dimension nationale ? Et cette dimension propre à chaque nation ne réside-t-elle pas dans la différence d’expression d’une langue à l’autre et d’une culture à l’autre, y compris dans la formation des courants majeurs et des marges?


En fait, une littérature dite « nationale » tient forcément compte de la complexité du monde dans laquelle elle s’inscrit. Elle fait partie d’un ensemble tout en ayant ses spécificités. Altéritaire dans son principe même, puisque traduisible, elle parle de l’autre dans une langue autre… pouvant à son tour être (re)traduite dans la langue de cet autre qu’elle évoque! Le cas s’illustre particulièrement dans la littérature arménienne contemporaine qui, dans une même langue, exprime aussi bien le patriotisme que la dénationalisation; la culture, l’acculturation et l’hybridation ; le terreau national et l’exil en diaspora; la nostalgie et la plénitude. En définitive, il semblerait que la littérature internationale, déglobalisée, exprime le foisonnement des relations mondiales et l’irréductibilité de ses composantes: c’est là son fructueux paradoxe.

Published: Nov 14, 2022

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Individual Sessions: Words and Images Crossing Literary and Critical Borders